jeudi 6 décembre 2012

Confession d'un troll rémunéré.


J'ai trouvé le témoignage d'un troll rémunéré pour répandre de la désinformation sur les forums internet. Ce témoignage est celui d'un citoyen américain  mais au cours de mon activisme contre les nombreuses propagandes de guerre et lors de mon engagement contre la gouvernance globale, j'ai été très souvent confrontée à eux. Ils sévissent sur la toile francophone aussi. Ils agissent en groupes organisés, ils se relaient. Leur mission est de salir leurs opposants, d'atteindre à leur honneur, à leur réputation avec des arguments fallacieux, des faux témoignages, des sous-entendus nauséabonds. 
Parfois, ils créent même leurs propres sites, comme les légendaires CONSPIRACY WATCH ou encore CONTRE SUBVERSION ou ma réputation de "facho" n'est plus à faire. 



J’écris ici pour sortir du placard mon passé de troll rémunéré. Durant un peu plus de six mois, j’ai été payé pour répandre de la désinformation et causer des polémiques politiques sur Internet.
J’ai quitté ce job fin 2011 parce que j’étais dégoûté et parce que j’ai réalisé que je ne pouvais plus me regarder dans le miroir. Si cette confession me vaut des représailles, tant pis. Être un homme, un vrai, dans ce monde, implique d’avoir de réelles valeurs à défendre, quelles que soient les conséquences. 
Mon histoire commence au début de l’année 2011. J’étais sans emploi depuis près d’un an après avoir perdu mon job de support technique.  De plus en plus désespéré et découragé, j’ai sauté sur l’occasion quand une ancienne collègue m’a appelé et m’a dit qu’elle avait un possible filon pour moi.

- “C'est un travail inhabituel, et qui exige le secret. Mais le salaire est bon. Et je sais que tu écris bien et que c’est un job fait pour toi.” (Ecrire a toujours été un hobby pour moi).


Elle m'a donné un numéro de téléphone et une adresse dans un des quartiers les plus minables de San Francisco où je vis.

Intrigué, je lui ai demandé l'URL de l'entreprise et quelques infos. Elle se mit à rire.

- «Ils n'ont pas de site Web, ni même de nom. Tu verras. Dis-leur que je t’ai parlé »
OK, ça avait l'air suspect, mais à long terme le chômage engendre le désespoir et le désespoir déforme votre perception de ce qui est suspect dès lors qu’il s'agit d’amener de la nourriture sur la table.
Le lendemain, je me suis rendu à l'adresse - au troisième étage d'un bâtiment en ruines. L'aspect de l'endroit n'inspirait pas confiance. Après avoir parcouru un long couloir couvert de linoléum, faiblement éclairé par halogène clignotant, je suis arrivé à l'entrée du bureau en question : une grossière porte en métal avec une pancarte qui indiquait  “United Amalgamated Industries, Inc.” J'ai appris plus tard que cette «société» changeait de nom presque tous les mois, utilisant toujours des noms flous ne laissant pas vraiment deviner la nature des activités de l’entreprise. Je suis rentré sans trop d’espoir. L'intérieur était tout aussi minable. Il y avait quelques longues tables avec des chaises pliantes sur lesquelles une douzaine de personnes tapaient sur de vieux PC. Il n’y avait aucune décoration: pas même un ficus ou des fougères en plastique. Quel taudis! Mais bon, les mendiants ne font pas les difficiles, n’est-ce pas ?
Le manager, un quadra chauve, s’est levé de l’unique bureau individuel de la pièce et est venu vers moi avec un sourire feint. 

- “Je suppose que tu dois être Chris. Yvette [mon ex-collègue] m’a dit que tu viendrais.” [Ce ne sont pas nos vrais noms]. “Bienvenue. Laisse-moi te parler un peu de ce que nous faisons.”
Pas d’interview, rien. J’ai appris plus tard qu’ils n’engageaient que des gens qui leur avaient été recommandés, et que les gens qui faisaient ces recommandations, comme mon ex-collègue Yvette, étaient entrainés à choisir les candidats selon divers facteurs dont la capacité à se taire, des compétences rédactionnelles de base et une recherche désespérée d’emploi.
Nous nous sommes assis à son bureau et il a commencé à me poser quelques questions à mon sujet et au sujet de mon background, dont mes opinions politiques (qui étaient quasi-inexistantes). Puis, il a commencé à m’expliquer en quoi consisterait le boulot.

- “Ici, nous travaillons à influencer les opinions des gens”. 

C’est ainsi qu’il décrivit la fonction.  Les clients de la société les payaient pour poster des messages sur internet, sur les tchatrooms, ainsi que sur les forums et les réseaux sociaux comme Facebook et MySpace. Qui étaient ces clients?

- “Oh, toutes sortes de gens,” répondit-il vaguement. “Parfois des compagnies privées, parfois, des partis politiques.”
Satisfait que je n’aie pas d’opinions sur la question, il m’a dit que je serais assigné à des commentaires politiques. 


- “Les meilleurs candidats pour ce genre de fonctions sont des gens comme toi, sans fortes opinions » dit-il en riant. «Cela peut sembler paradoxal, mais en fait nous avons constaté que c'était ainsi."
Bon, OK. Bien. Aussi longtemps que cela payait bien, j’étais d’accord de croire tout ce qu’ils voulaient que je croie. Après avoir discuté salaire (qui était bien plus élevé que je ne l’espérais) et de quelques autres détails, il aborda le besoin de confidentialité absolue et  la mise au secret.  

- “Tu ne peux parler à personne de ce que nous faisons ici. Ni à ta femme, ni même à ton chien.” (Je n’avais ni l’un ni l’autre.) “Nous te fournirons une couverture, un faux numéro de téléphone et même un faux site web. Tu diras aux gens que tu es consultant. Puisque tu as un background de support technique, ce sera ta couverture. C’est un problème pour toi ?”

Je l’ai assuré qu’il n’y aurait aucun problème.

- “Bien. OK. On peut commencer?”
- «Maintenant?" Demandai-je, un peu surpris.
- “Rien de tel que le moment présent!” dit-il en riant de bon cœur.
Le reste de la journée fut consacré à ma formation. Un autre membre de l’équipe, une femme dans la trentaine allait être mon coach et ma formation allait durer deux jours.

- “Tu as l’air d’un gars intelligent, je pense que tu comprendras vite,” dit-elle.

Et de fait, le job était plus facile que je ne me l’étais imaginé. Ma tâche était simple: On m’a collé à quatre sites différents avec l’objectif de m’infiltrer dans certaines discussions et de promouvoir certaines idées. J’ai appris plus tard que certains membres du personnel (comme moi) étaient assignés à des forums internet tandis que d’autres travaillaient sur Facebook ou des chatrooms. Il semble que chacun de ces trois médias adoptent des stratégies différentes pour arriver à leurs fins.
Ma fonction?  Soutenir Israël et saboter les propos des opposants à Israël et des antisémites.  Cela m’allait très bien. Je n’avais pas d’opinion tranchée sur Israël et de toute façon, qui aimait les antisémites et les nazis? Pas moi. Mais je ne connaissais pas grand chose à leurs arguments.

- “Très bien,” dit-elle. “Tu apprendras au fur et à mesure. Pour commencer, tu feras principalement ce que nous appelons de la surveillance thématique. C’est assez facile. Plus tard, si tu te montres prometteur, nous te formerons à des argumentations plus complexes qui nécessitent des connaissances plus poussées”.
Elle me refila deux classeurs avec des feuilles protégées par des chemises en plastique.  Le premier s’intitulait simplement “Israël”. C’était écrit en gros marqueur sur la couverture et il comportait deux sections. La première section compilait des infos de base sur l’historique du sujet. J’allais devoir lire et apprendre par cœur une partie de ces infos. Il comportait des liens internet avec des matériaux à lire, des essais, des entretiens et des extraits de livres d’histoire. Le second et plus gros chapitre s’appelait “Strat” (raccourci pour “stratégie”) avec une longue liste de “dialogues.” Il s’agissait de réponses types à des commentaires spécifiques. Si quelqu’un postait quelque chose proche de  “X,” nous étions sensés répondre quelque chose proche de  “Y.”

- “Tu devras adapter un peu le texte,” me dit mon coach “ sinon, cela se remarquera. Apprends à utiliser un dictionnaire de synonymes.”
 Cette section parlait aussi des objectifs à atteindre. Ces stratégies incluaient également certaines formes d’attaques personnelles, comment se plaindre aux modérateurs du forum, comment salir efficacement nos opposants, et même en abaissant le ton de la conversation par des sous-entendus d’ordre sexuel, liés à la pornographie ou trucs du genre.

- “Parfois nous devons nous battre de façon dégueulasse,” nous dit notre coach. “Nos opposants n’hésitent pas à le faire, alors nous devons le faire aussi. »
Le second classeur était plus petit et il contenait des informations spécifiques aux sites web qui m’étaient assignés. Les sites sur lesquels j’allais devoir m’acharner étaient: Godlike Productions, Lunatic Outpost, CNN news, Yahoo News, et une poignée de petits sites en fonction des besoins. Comme indiqué, je n'ai pas été affectés à des travaux  sur ce forum en particulier (même si d’autres membres du groupe l’étaient), C’est en partie la raison pour laquelle je poste ce message ici, plutôt qu’ailleurs. Je voulais d’abord le poster sur Godlike Productions, mais ils m’ont bnni pour avoir seulement visité ce site (peut-être m’en veulent-ils?). Mais si quelqu’un qui fréquente ce site pouvait leur transmettre le message, je pense qu’ils devraient en être avertis parce que c’est le site sur lequel j’ai passé plus de 70% de mon temps de travail.
Les infos spécifiques contenues dans le second classeur comprenaient l’historique de chaque site, comprenant les clashs récents ainsi que les instructions sur ce qu’il convenait d’éviter sur chacun d’eux pour ne pas être banni.
Il contenait également beaucoup d’informations détaillées sur les modérateurs et les participants les plus populaires de chaque site: localisation (si connue), type de personnalité, centres d’intérêt, historique et contextes, et même quelques notes sur comment “appuyer sur les faiblesses psychologiques” de certains posteurs.

- “Concentres-toi sur les posteurs les plus populaires,” m’a dit mon coach. “Ce sont eux qui influencent le plus les autres. Chacun d’eux vaut 50 à 100 des noms les moins connus.”

Chaque participant était classé “hostile,” “friendly,” or “indifférent” à mes objectifs. Nous étions sensés nous lier d’amitié avec les participants « friendly » ainsi qu’avec les modérateurs (en gros, en leur frottant la manche), et il y avait même des notes sur les stratégies à adopter avec les posteurs hostiles. Les infos étaient assez détaillées, mais pas parfaites dans tous les cas de figure.
- “Si tu parviens à convertir un posteur du camp ennemi pour l’amener dans notre camp, tu recevras un bonus. Mais malheureusement, cela arrive rarement. Alors la plupart du temps, il faudra que tu les attaques pour les salir”
D’abord, comme je l’ai dit, mon rôle consistait à contrôler les thèmatiques. C’était assez simple et répétitif; je devais faire l’inventaire des thèmes et en introduire de nouveaux, et cela ne demandait pas de connaissances approfondies du sujet. La plupart du temps, il s’agissait de messages répétitifs basés sur les dialogues de la section stratégie du premier classeur. Une grosse partie du travail consistait à tourner en dérision les fils de discussion qui n’allaient pas dans notre sens, ou a lancer des accusations de racisme ou d’antisémitisme. Parfois je devais simplement mentir ou prétendre qu’un posteur avait dit quelque chose ou fait quelque chose dans une autre discussion qu’il n’avait pas vraiment dit ou fait. Je ne me sentais pas bien par rapport à cela…mais je me sentais encore plus mal à l’idée de perdre le seul job que j’avais été capable de trouver depuis que j’avais perdu mon vrai travail.
La chose la plus étrange, c’est que même si je n’avais jamais eu d’opinions politiques tranchées par le passé, après quelques semaines, je suis devenu très émotionnellement lié aux idées pro-israéliennes que je devais défendre. Il devait y avoir quelques facteurs psychologiques à l’oeuvre… un bon vendeur apprend à aimer sincèrement les produits qu’il vend, je suppose. Il ne fallut pas longtemps avant que mes réponses ne deviennent fougueuses et passionnées, et j’ai commencé à chercher à en savoir plus par moi-même.
- “C’est un bon signe,” m’a dit mon coach. “Cela veut dire que tu es prêt pour la prochaine étape: le débat complexe.”
La partie du job « débat complexe » comprenait pas mal d’entrainements supplémentaires, dont la mémorisation d’informations plus spécifiques  sur certains  intervenants (amicaux et hostiles) à qui j’allais me confronter. Ici encore, il y avait des scénarios et des répliques d’arguments suggérées, mais on nous donnait plus de liberté. Il y avait beaucoup plus de détails dans cette partie avancée du travail – tout sur comment choisir le bon  avatar ou comment utiliser des images démotivantes trouvées sur le web. Même l’usage correct des photos de chats était discuté. Parfois nous utilisions des photos truquées ou des reportages falsifiés (c’est une des autres choses qui me dérangeaient).
On m’a aussi confié la mission de trouver de nouvelles recrues, des gens “comme moi” qui avaient le type de personnalité, l’habilité de conserver un secret, des compétences rédactionnelles et intellectuelles de base, et le désespoir suffisant pour signer pour un job pareil. J’ai eu moins de succès pour cette part du job, et je n’ai pas pu trouver quelqu’un à l’époque où j’ai travaillé pour eux.
Après un certain temps, j’ai commencé à me sentir mal. Pas à cause des opinions que je promouvais (comme je l’ai dit, j’étais d’abord apolitique, et puis pro-Israël), mais à cause de la malhonnêteté que cela impliquait. Si mes arguments étaient si corrects, je me demandais pourquoi je devais agir de la sorte.  La vérité ne devrait-elle pas se propager naturellement, plutôt que par..  euh... la propagande? Et qui se trouvait derrière toute cette opération? Qui signait mes chèques? Le stress de devoir mentir à ma famille et à mes amis sur mon soit disant poste de consultant me pesait aussi. Finalement, j’ai dit « trop c’est trop ». J’ai quitté en septembre 2011. Depuis, j’ai travaillé dans une série d’agences intérimaires peu avenantes et pour un salaire moindre. Mais au moins, je ne gagne plus ma vie à mentir et a harceler les gens qui viennent sur le net pour exprimer leurs idées et exercer leur liberté d’expression.
Je suis repassé dans le quartier, il y a quelques jours et  sur un coup de tête, je suis retourné sur les lieux de mon ancien bureau. Il avait déménagé. J’ai compris que cela aussi faisait partie de leur stratégie: ne pas rester au même endroit trop longtemps, ne pas garder le même nom trop longtemps, déménager après six mois. Garder un profil bas, trouver de nouveaux employés par le biais du bouche à oreilles: tout cela fait partie de la vie trollesque. Mais c’est une façon de vivre trompeuse, et peu importe si la cause est noble (je demeure pro-Israel), la fin ne peut être justifiées par ces moyens douteux.
 Ceci est ma confession. Je n’ai pas encore décidé si je souhaitais parler davantage de tout cela, aussi, si je ne réponds plus à cette discussion, ne m’en veuillez pas. Mais je pense que vous devez le savoir: les trolls existent. Ils sont réels. Ils marchent parmi vous, et ils accordent une attention particulières à vos meilleurs posteurs. Vous devez en être conscients. Et ce que vous ferez de ces prises de conscience ne regarde que vous.
 Sincèrement,

ExTroll   Avril 2012
Source : http://www.abovetopsecret.com/forum/thread826545/pg1

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