jeudi 9 février 2012

Marion WAGON Victime


Les inconnues de l'affaire Marion
par Sylviane Stein
Comment une gamine de 9 ans, dont le portrait est placardé jusqu'en Amérique, peut-elle rester introuvable après huit mois d'enquête et de recherches acharnées?

Les lettres rouges ont pâli dans la vitrine du boulanger du boulevard de la Liberté. Le jour où le soleil n'aura plus aucune couleur à se mettre sous la dent, alors peut-être la petite flamme d'espoir qui brûle encore à Agen vacillera-t-elle. «Où est Marion?» dit l'inscription maladroitement tracée au feutre, comme des dizaines d'autres. Le mystère de la disparition d'une petite fille de 9 ans ronge la ville. Marion a disparu le 14 novembre 1996. Tout le monde, en France, a vu au moins une fois le portrait de la fillette aux grands yeux de bonbon à la menthe et au sourire câlin: il a été placardé à plus de 1 million d'exemplaires dans le pays, en Europe et jusqu'en Amérique, avec le numéro de téléphone du commissariat d'Agen. Une gamine de 9 ans peut-elle disparaître au cœur d'une ville de 31 000 habitants, se volatiliser sans qu'on sache si elle est morte ou vivante?

En théorie, non. Mais, après huit mois, aucune piste sérieuse ne se profile à l'horizon de l'enquête. On a bien cru en tenir une, pourtant, quand, au début du mois de juillet, le portrait-robot d'un suspect a été diffusé à la Martinique. C'était juste une hypothèse, une bavure de communication: des portraits-robots, il y en a bien d'autres, dans les cartons des enquêteurs. Celui-là avait été établi après le témoignage d'une touriste métropolitaine qui affirmait avoir rencontré Marion dans la commune des Trois-Ilets: «Je m'appelle Marion Wagon et je veux rentrer chez moi, à Agen», lui aurait-elle déclaré, en prononçant son nom de famille comme on le fait dans le Nord: «ouagon», et non «vagon». Depuis lors, plusieurs petites filles, là-bas, ont été prises pour Marion. Mais ce n'était pas elle. D'autres ont aussi, d'elles-mêmes, tenté de se faire passer pour la disparue... Depuis ce dernier rebondissement, dix témoignages arrivent chaque jour...

«Nous sommes fatigués, si fatigués...», glissent Françoise et Michel Wagon. Mille fois ils ont tenté de reconstituer le scénario du 14 novembre dans leur tête. Mille fois ils l'ont exposé, pour qu'on n'oublie pas leur petite fille.

Marion a tout juste 9 ans. Elle n'est pas sauvage pour un sou, et on lui a bien expliqué qu'il ne faut jamais suivre un inconnu. A midi, pour revenir déjeuner à la maison, elle fait le chemin avec l'une de ses camarades de l'école primaire Sembel. Deux fois par semaine, elle marque un détour et l'accompagne jusqu'au salon de coiffure où travaille sa mère, avant de reprendre la direction de la rue Dangla, où elle habite. Le jeudi - comme ce 14 novembre 1996 - l'amie reste à la cantine et la fillette rentre seule. Françoise Wagon a souvent conseillé à sa fille de revenir, ces jours-là, avec une maman. Mais Marion aime aller à son rythme d'enfant enjouée. Souvent elle court, par plaisir, et le temps du trajet s'en trouve raccourci: cinq minutes, six peut-être. Quoi qu'il advienne, elle doit être rentrée chez elle peu après midi, pour que les membres de la famille - les parents et les deux aînés, Gilles, 15 ans, et Charline, 14 ans - déjeunent ensemble. Le jour de la disparition, Hélène Piguet, l'institutrice du CM 2, lâche ses petits avec dix minutes de retard, comme cela lui arrive fréquemment. A 12 h 11, Marion parvient à la maternelle toute proche, pour faire une bise à son ancienne institutrice et s'amuser sur le toboggan qui trône au milieu de la cour. «Je joue encore un peu et je vais déjeuner», lui lance-t-elle. Puis une mère de famille l'entend dire qu'elle est en retard, et la voit filer.

«Avez-vous des ennemis ?»

On ne la reverra plus. Sur le boulevard de la Liberté, Guy Desmons, l'îlotier, qui fait traverser les enfants au passage pour piétons, termine chaque jour son service à 12 h 16. Quand il quitte son poste, Marion n'est pas passée. Il connaît bien cette gamine qui lui dit toujours bonjour. A 12 h 25, les parents s'inquiètent. Ils envoient les aînés en reconnaissance sur le trajet de leur petite sœur. Sans succès. Marion s'est envolée. A l'hôpital, au commissariat, à la gendarmerie, où ils téléphonent, personne n'a entendu parler d'une fillette qui aurait eu un accident ou un malaise. Alors, une fugue? A 12 h 45, ils préviennent la police.
Le commandant Roland Courdesses n'imagine pas une telle affaire quand Michel Wagon pénètre dans son bureau, royaume des cambriolages, accidents du travail et autres vols à la tire. Aucun flic au monde n'aime les histoires de gamines qui s'évanouissent dans la nature. La dernière fois, à Agen, c'était en 1984. On a retrouvé Magali Forabosco morte, au bout de onze jours. Violée, assassinée. Elle avait 10 ans. L'assassin dort en prison.

Dans le bureau n° 10 du commissariat, Michel Wagon répond aux questions de routine. «Avez-vous des ennemis?» «Avez-vous grondé l'enfant?» A celle-là il dit «oui». La veille, c'est vrai, Marion s'est fait houspiller. Ce détail, pour lui anodin, a-t-il retardé les investigations? C'est ce que pensera le père, quelques jours plus tard, en regardant la télé: «Cette enfant a pu avoir une dispute avec ses parents ou ses camarades de classe», déclarera ainsi Patrick Gaboriau, le procureur.

A peine sorti du commissariat, dans l'après-midi du jeudi, Michel Wagon sillonne la ville en essayant de se mettre dans la peau de sa petite fille. Où irait-elle se balader? A l'unique McDo d'Agen, planté au milieu de son parking géant? A la gare, qui n'est pas si loin de l'école? Du côté des squats, où elle aurait pu être entraînée par un vagabond? Il explore tout, rôde autour des squats à distance respectueuse et revient bredouille: partout, les policiers l'ont déjà précédé. Les investigations ont en effet démarré très rapidement.

On note juste un petit accroc: le maître-chien de la gendarmerie est en congé. Quand celui des pompiers de Villeneuve-sur-Lot, à 30 kilomètres, arrive, l'après-midi est déjà bien avancé.

Une enquête fertile en rebondissements
Le chien tombe en arrêt devant un chantier, rue Hoche, tout près de l'école de Marion, mais rate la cour de la maternelle, où la fillette a pourtant joué. Sa piste s'interrompt devant un grand bâtiment: la résidence des Pradines, de l'autre côté du boulevard de la Liberté, que l'enfant a donc bien dû traverser, après le départ de l'îlotier. L'immeuble fait le coin de la petite rue que Marion emprunte pour rejoindre son domicile, à 400 mètres de là. Le chien n'ira pas plus loin. Il ne faut pas lui en vouloir: «En ville, ils sont perdus, il y a trop d'odeurs», explique Roland Courdesses.

Toute la journée et le lendemain encore, policiers et gendarmes ratissent le terrain. On les voit visiter des immeubles et des caves, fouiller les berges de la Garonne et les alentours du canal du Midi, survolés par un hélico. Ils font ouvrir le coffre des voitures quittant la ville. Le vendredi, en fin d'après-midi, le parquet d'Agen ouvre une information judiciaire pour enlèvement. Là commence l'histoire d'une enquête fertile en rebondissements internes, mais malheureusement pas en découvertes.

Le procureur est conciliant: Colette Lajoie, la juge pressentie pour mener l'instruction du dossier Marion, demande qu'on lui adjoigne une collègue. L'affaire s'avère difficile, sans indices, et son bureau croule sous les dossiers. Elles seront donc deux pour se relayer, vingt-quatre heures sur vingt-quatre, si cela se révèle nécessaire. Maryse Le Men-Régnier est désignée en renfort.

Policiers et gendarmes se répartissent la tâche. Le commissariat engrange 400 procès-verbaux, la PJ double le chiffre, les gendarmes le triplent. Ils contrôlent, notamment, plusieurs centaines de ceux qu'ils appellent les «barjots», des hommes ayant eu à rendre compte, par le passé, d'affaires de mœurs. Au hasard des témoignages, des dénonciations, des perquisitions, ils interrogent successivement un haut fonctionnaire amateur de cassettes, retrouvées à son domicile, et un homme transportant dans sa voiture un attirail sadomaso - lacets, serpette, gants - qui avoue «bien aimer les enfants». Ils suivent jusqu'au supermarché un client en cuir noir, acheteur de cassettes pornos, qu'on a vu rôder devant l'école de Marion. Ils épluchent la liste de tous les abonnés... à l'électricité, pour voir si, par hasard, un nom connu pour des agressions sur enfants y figure! Au commissariat, Roland Courdesses décide de s'immerger dans les lettres de radiesthésistes: il en recevra plus de 5 000...
Ce ne seront pas les seuls partenaires inhabituels de l'enquête judiciaire. «On a besoin de vous», dit le commissariat à Annie Gourgues, au soir de la disparition de Marion. Cette petite dame brune et vive de 60 ans, archiviste au département, est devenue un passage obligé dans la ville dès qu'un enfant se trouve en danger. En 1984, son association, La Mouette, s'est beaucoup dépensée pour soutenir les parents de la petite Magali. Elle a des relations au tribunal pour enfants - où elle occupe une fonction officielle - et a été secrétaire de Jean François-Poncet, ancien président du conseil général.

On lui doit l'incroyable mobilisation qui a suivi la diffusion de la photo de Marion sur près de 1 million et demi d'affiches - imprimées grâce à des dons - et sur 10 millions de packs de lait. Françoise et Michel Wagon lui doivent aussi d'avoir rencontré Alain Juppé et Jacques Chirac. Seule l'épouse du président devait les recevoir: «Il a décalé un rendez-vous avec Helmut Kohl pour venir», se souviennent-ils. Il leur a dit de ne pas baisser les bras.

Cette visite précède d'une quinzaine de jours le dessaisissement de la police judiciaire, le 24 avril dernier. Les Wagon l'ont appris par les journaux: les juges ne leur avaient rien dit. Pas plus qu'à leur avocat. «Je ne suis tout de même pas le défenseur de Mesrine!» tempête Me Catala. Pourquoi les juges ont-elles pris cette décision? «Comportement d'humeur», analyse-t-il...

La presse a révélé une opération de fouilles dans une carrière de Dordogne en rapport avec l'arrestation d'un suspect, déjà emprisonné pour viol. Les juges ont soupçonné les enquêteurs de la fuite. Elles auraient aussi pris ombrage de certaines initiatives et de quelques résistances des policiers. Les fameuses investigations à la Martinique initiées par la police, elles les auraient apprises par la bande. De même l'hypothèse d'un enlèvement vers les Etats-Unis, sur laquelle la PJ se serait lancée à partir de ses propres informations. Les policiers auraient aussi refusé de se rendre au Portugal pour vérifier les «révélations» d'une voyante... Et auraient entretenu des rapports trop étroits avec les parents de Marion.

Jusqu'au 24 avril, Roland Courdesses allait chaque soir chez les Wagon, où venait aussi Annie Gourgues, de La Mouette. Il n'en a plus le droit. Pourquoi? «Il nous informait des progrès de l'enquête; parfois même, d'autres enquêteurs nous téléphonaient. Nous étions sur écoutes. Les juges ont dû penser que les fuites venaient de là», explique Michel Wagon. «Mais, sans le contact avec les policiers, nous n'aurions pas tenu le choc!» proteste sa femme. «On nous reproche d'avoir essayé d'ajouter du cœur à la technique policière!» fulmine un homme de la PJ.

Les gendarmes ont pris la suite. Chaque semaine, le général Jean Rivière, patron de la région Atlantique, débarque en hélico, de Bordeaux, pour soutenir ses troupes. Ses hommes reprennent les pistes de la police. «Nous fermons les portes les unes après les autres», explique-t-il. L'état-major a prévenu les juges: ils mettront le paquet, mais qu'on les laisse travailler en paix!

Un canal vidé, des écluses sondées
Ils ont des moyens: 20 voitures, 40 hommes permanents, tous volontaires pour cette enquête opaque, 22 ordinateurs, dont 2 Saphir, reliés aux fichiers nationaux et internationaux, 12 téléphones mobiles. Ils ont entendu 293 personnes «connues des services de gendarmerie, de police ou de la justice», dont certaines avaient déjà été interrogées par la PJ. Visité 1 300 appartements à Agen. Vérifié le pedigree de leurs 2 300 occupants, vivant sur le trajet suivi par Marion: une quarantaine ont déménagé; certains sont désormais en Afrique. Un jeudi, à l'heure où Marion a disparu, ils relèvent les numéros d'environ 3 000 voitures circulant sur le boulevard de la Liberté entre 12 et 13 heures... Après le témoignage d'un homme s'accusant d'y avoir jeté le corps de Marion, ils font vider, au mois de mai dernier, le canal latéral à la Garonne sur 10 kilomètres, et sonder 6 écluses.
Ce n'est pas la première fausse piste. Un autre homme s'est déjà accusé. Il a fini en psychiatrie. Une femme a dénoncé son compagnon, qui a été mis hors de cause. Des radiesthésistes ont vu la petite fille vivante en Autriche ou morte au fond d'un trou en France. Une vieille dame a cru la croiser sur une plage de Gironde. Deux autres témoins pensent l'avoir aperçue dans les parages. On a aussi indiqué la présence de la fillette en Suisse. Un ressortissant portugais en visite à Lourdes a signalé qu'il avait rencontré Marion dans son pays, après avoir vu des affiches de la petite fille sur les murs de la cité miraculeuse. Lors de l'émission Perdu de vue, 1 500 coups de téléphone ont déferlé sur le commissariat d'Agen.

Choqués par les bouleversements de l'enquête, Françoise et Michel Wagon reprennent confiance quand les gendarmes créent une «cellule Marion». Ils se refusent à arbitrer le match police-gendarmerie. Les gendarmes ne viennent pas dans l'appartement de la rue Dangla. Mais, tous les vendredis soir, à 17 h 30, le commandant Michel Louvet reçoit le couple au bar kitsch de la caserne Valence.

Il y aurait encore «500 hypothèses de travail», selon le général Rivière. Des pistes, des informations à vérifier, des témoignages à croiser. Les enquêteurs ne parviennent pas à croire que, ce 14 novembre 1996, personne n'ait rien vu. Pour apprécier l'angle de vision de ceux dont les fenêtres ouvrent sur le trajet de Marion, ils ont pris des clichés de la rue, appartement par appartement.

Au commissariat d'Agen, Roland Courdesses est désormais le seul policier - secondé par une collègue - à pouvoir participer aux investigations. Au fond du petit bureau n° 10, qu'il partage avec le photocopieur, le commandant, 49 ans et petit catogan, a le blues. «Echouer sur un casse, ça, encore, je pourrais le supporter», dit-il. A moins d'un an de la retraite, il a fait le serment de ne pas partir avant la fin de l'enquête.

"En 1997, je trouve l’homme (un portugais, mon ancien voisin !) qui a plus que certainement pris la petite Marion WAGON sept ans à Agen (47) France.

Je continue à m’intéresser discrètement à ce portugais avec qui je buvais l’apéro et qui avait eu une réaction d’une extrême violence au bistrot du village quelques années avant…. tout simplement parce que je lui avais dit que – « je l’avais aperçu la veille en ville » !
Le problème c’est que, où il se trouvait, venait d’avoir lieu une disparition.
Pédigrée  remarquable: fausse licence de taxi à Agen, trafiquant de drogue, de meubles, de voitures, de chiens, de machines à sous, (et je le sais maintenant : d’êtres humains.)
Je le savais ces débuts d’années 2000 sur « Le Centre de la France » et « Paris »…
En 2004, je retrouve mon suspect à Guermantes (77), (700 km de chez moi) : ‘Chez les menteurs’
dans le village et très certainement la rue où a disparu la petite Estelle Mouzin 9 ans."

http://pedocriminel.blogspot.com/2012/02/panique-chez-les-ignobles-affaire-detat.html

«Si les recherches devaient s'arrêter, je ne le supporterais pas. Mais, même si on ne retrouvait pas ma petite fille, je respecterais ces gens jusqu'à la fin de ma vie», conclut le père de Marion.

Un jour, il aimerait bien qu'on l'appelle simplement par son nom.

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