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mercredi 18 janvier 2012

Francis Evrard Pédophile Prédateur


Un portrait de Francis Evrard échappe difficilement au prisme de ses "pulsions". Celles, tellement récurrentes, selon lui, qu'il ne cesse de s'abriter derrière, depuis l'ouverture de son procès, devant la cour d'assises du Nord, lundi 26 octobre. Celles tellement "incontrôlables", répète-t-il aussi souvent dans un langage parfois abscons, qu'à 63 ans elles l'ont amené à passer plus de la moitié de sa vie en prison – trente-cinq ans au total.
Une vie de pulsions qui aurait commencé en subissant celles des autres, dès l'âge de 10 ans. A l'époque, dans son Roubaix natal, Francis Evrard a pour voisin un adolescent un peu plus âgé. Celui-ci aurait abusé de lui, un après-midi, lors de jeux qui ont dérapé. Les faits ne sont pas clairs, les versions ont changé avec le temps. M. Evrard en aurait parlé à sa mère, "mais elle ne voulait pas faire de bruit autour des voisins, alors elle n'a rien dit", raconte-t-il aujourd'hui.

La mère de M. Evrard, justement. Une dame un peu "prise du chapeau", comme la décrivent les voisins dans leurs auditions, doubleuse dans une usine de la région et qui avait ses humeurs – "un jour elle m'a cassé un balai sur la tête", détaille, toujours avec ses mots à lui et son accent ch'timi, l'accusé.

Mais une femme avec qui, malgré tout, Francis Evrard a noué toute sa vie une relation quasi exclusive. Au point, à chacune de ses sorties de prison, de sciemment braver l'interdiction de séjour dans le département du Nord pour la rejoindre. Il n'a jamais vécu seul.

"IL FAUT QUE JE LE FASSE"
Très vite, dans un contexte de père absent – "tout le monde le décrivait comme un poivrot, il est mort d'une cirrhose, mais il était juste belge, il aimait bien sa bière…", décrit encore M. Evrard à sa façon –, l'adolescent commence alors à commettre des petits larcins, manque l'école. On diagnostique chez lui des troubles mentaux, il est placé dans un établissement spécialisé, puis dans plusieurs foyers, notamment des maisons de correction, jusqu'à ses 14 ans. Et c'est là, de nouveau, qu'il aurait été victime d'abus sexuels. Là aussi qu'il aurait commencé à développer son attirance insatiable pour les jeunes garçons.

Aujourd'hui, il estime qu'il aurait eu entre une "quarantaine" et une "centaine" de relations sexuelles avec des mineurs. En particulier avec des enfants "inconnus", parce que, avec eux, impossible de se réfréner, "il faut que je le fasse".

Des aveux dont la lecture a un peu effaré la cour, mais dont Francis Evrard se justifie toujours avec un aplomb déconcertant, faisant sans cesse osciller l'observateur entre soupçons de mythomanie, d'extrême contrôle de lui-même et d'intense folie. "Il n'y en a que quelques-uns qui ont posé problème", plaide-t-il. Sous-entendu, tous les autres étaient consentants. Et d'ajouter : "A l'époque, ils aimaient ça."


Ce sont ces "quelques-uns" qui l'ont donc conduit à passer l'essentiel de sa vie incarcéré, entre 1965 et 2004. Huit au total. Il a été condamné notamment en 1975 et en 1989 à de la réclusion criminelle pour viols sur mineurs et, en 1985, à de l'emprisonnement pour atteinte à la pudeur sur mineur.

Francis Evrard n'est du coup titulaire que d'un simple certificat d'études, passé en prison. Il n'a pratiquement jamais travaillé, sauf quelques mois, entre 15 et 16 ans, comme apprenti, dans un établissement spécialisé dans le matériel d'éclairage, avant d'être licencié pour "manque de sérieux".


A chaque fois, les enfants dont il a abusé avaient entre 7 et 9 ans. Enis, 5 ans, était le plus jeune. "J'ai été surpris quand il m'a montré sa petite main pour dire son âge", mime-t-il. Dans le garage où il vivait depuis sa sortie de prison quelques semaines avant le viol, et où il l'a séquestré après l'avoir drogué, le 15 août 2007, plusieurs coupures de presse ont été découvertes. Des vieilles photos, la plupart datant des années 1970 : des jeunes garçons posant en maillot pour leur équipe de football, un numéro du magazine Parents avec en couverture des jeunes scouts en shorts, un portrait en couleur d'un blondinet angevin…

Lundi 26 octobre, il était 20 heures passées quand l'un des derniers témoins de la journée a été entendu, le brigadier chef Didier Debonne, 46 ans. C'est lui qui, assisté de deux collègues, a mené toutes les auditions de Francis Evrard après le viol d'Enis. Et il en a retiré plusieurs enseignements : "J'ai eu le sentiment que M. Evrard n'avait pas cherché à se cacher […]. Il n'a pas fui ses responsabilités […]. C'est comme si il y avait une sorte d'euphorie dans ce qu'il faisait." Et de conclure : "Ses pulsions ne sont pas au niveau de son sexe mais de sa tête et même la castration chimique ou physique ne peuvent les combattre."

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