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mardi 3 décembre 2013

Arche de Zoé : Alain Péligat.




Par MALLAGARDIS MARIA

C'est vrai qu'il a une drôle de tête avec ses cheveux si blonds, si longs, et ses immenses yeux bleus. Un costaud dont le physique atypique (rocker sur le retour ? Petit frère de Buffalo Bill ?) a parfois renforcé dans l'opinion, l'image sulfureuse de ceux qu'on a taxé de «zozos de l'humanitaire».

Dans la vraie vie, sans l'effet loupe de la télé, Alain Péligat a d'abord l'air d'un gars ordinaire, discret. Mais depuis une semaine, ce fils d'un ingénieur militaire, grandi dans le Jura, est souvent devant les caméras. Cet enseignant de 56 ans au look de baroudeur a fait partie de l'équipée sauvage de l'Arche de Zoé : ces humanitaires qui se sont fait prendre au Tchad avec 103 enfants, orphelins supposés du Darfour en guerre. Eric Breteau, le chef de l'expédition, et cinq de ses compagnons, dont Alain Péligat, seront emprisonnés et jugés à N'Djamena. Puis transférés en France et enfin graciés par le président tchadien. Reste à faire face à la justice française. Alain Péligat a été le premier mis en examen. Il ne peut désormais plus parler aux autres membres de l'équipe.

En attendant, il est libre. Il est de retour chez lui, à Mourmelon-le-Grand, gros village monotone de la Marne, posé sur le bord de la nationale, entre plaines infinies et pylônes électriques. Bien loin du Tchad. Mais redécouvrir la liberté ne lui suffit pas. Comme Breteau, Péligat veut lui aussi donner sa version des faits et, un jour peut-être, «faire annuler cette mascarade de procès tchadien», explique-t-il dans son salon, dominé par une fresque murale évoquant le Far West américain.

Dès sa libération, il accepte d'aller sur le plateau télé de Laurent Ruquier. Sans ménagement, on l'accuse d'être un «cow boyde l'humanitaire».«Vous pouvez parler plus fort ? J'ai reçu des coups de crosse dans la tempe», demande-t-il en retour au chroniqueur déchaîné. Après son arrestation au Tchad, Péligat s'est fait tabasser. Depuis, il n'entend que d'une oreille. Il raconte ça sans se vanter, juste en passant.

Il est blindé Alain, pas le genre à la ramener sur ses malheurs. Du coup, il semble un peu insaisissable, comme si toute cette expérience était un rêve qu'il évoque avec distance. Il montre facilement les photos prises dans la prison tchadienne avec le portable qu'il avait planqué dans son slip. Et toute cette histoire a l'air soudain un peu drôle, pas sérieuse, pas méchante. «C'est sa pudeur», tranche son avocat. Reste qu'aujourd'hui encore, il n'a «aucun regret». «Notre seule erreur, c'est d'avoir trop fait confiance. Aux Tchadiens là-bas, aux politiques ici. Si on a menti, c'était toujours au nom de la sécurité», affirme-t-il. Trop de confiance, trop de mensonges, et la compassion comme seule boussole : le cocktail est forcément explosif.

A-t-il conscience qu'une partie de l'opinion et des médias le condamne, considérant que cette opération est au mieux maladroite, au pire malhonnête ? «Imaginez qu'on n'ait pas été arrêté sur la route de l'aéroport au Tchad. Aujourd'hui on serait des héros», rétorque Péligat. Lui pense encore que les enfants que l'Arche de Zoé voulait évacuer étaient bien orphelins et soudanais. «Qu'on me montre la liste des supposés parents tchadiens, elle n'a jamais été établie. On a juste servi d'otages à un dictateur», affirme l'antihéros qui, dans un autre temps dont il n'aime pas parler, a aussi servi dix ans dans l'armée. Notamment deux mois comme légionnaire au Tchad.

En réalité, Alain a eu plusieurs vies. Routier, il sillonne le monde, les émirats et l'Asie surtout. Mais sa vraie passion, c'est la moto. Plus qu'une pratique, c'est un milieu. A son mariage, ses «potes motards» forment l'essentiel du cortège. Dix ans plus tard, animé d'une sincère sensibilité au malheur du monde et plutôt de gauche, Alain se propose pour devenir le logisticien de l'Arche de Zoé. Aujourd'hui, il continue à soutenir le mentor de l'opération : «Eric n'a forcé personne à aller là-bas. On voulait sauver des enfants, c'est mieux que de les laisser dans la détresse, non ?»

Dans le salon de Mourmelon-le-Grand, deux petites filles, belles comme des fées, jouent en gazouillant, indifférentes aux propos des adultes. La troisième, la plus grande, fait ses devoirs dans sa chambre. Ce sont les trois filles d'Alain et de Christine, 43 ans. Toujours en première ligne pour défendre son mari depuis son arrestation. Elle a rencontré «Sarko» en compagnie de l'ex-femme d'Alain. «Ma meilleure amie», précise-t-elle.

Bien sûr, on pourrait les croire un peu allumés, les Péligat. En réalité, ils forment une drôle de famille recomposée, plutôt soudée. Elle avait déjà deux enfants quand ils se sont rencontrés. Lui aussi. Mais à l'époque, sa fille Claire venait de mourir, à 22 ans, dans un accident de voiture. «On aurait pu avoir des enfants, mais je ne voulais pas avoir une petite fille blonde aux yeux bleus. Comme Claire. Elle est toujours parmi nous», explique Christine avec candeur. Alors ils ont adopté trois petites cambodgiennes : Srey Nov, Kanya et Lilou. Si l'opération de l'Arche de Zoé avait réussi, une autre fille aurait dû s'ajouter à la fratrie. «Les liens du coeur sont parfois plus forts que les liens du sang», commente Christine, qui montre fièrement les bulletins de notes de l'aînée. Dans leur première vie au Cambodge, les petites ont apparemment vécu des drames. Aujourd'hui, Alain Péligat et sa femme restent persuadés que l'adoption peut être une solution pour sauver l'enfance en détresse dans le tiers-monde. Convaincu, il lui est même arrivé de mener des grèves de la faim dans l'espoir de faciliter les démarches d'adoption au Cambodge. C'est d'ailleurs en consultant les forums sur l'adoption qu'Alain Péligat a découvert l'Arche de Zoé. L'été dernier, Alain accepte la vice-présidence de l'organisme créé par Eric Breteau pour encadrer les familles d'accueil de l'Arche de Zoé. L'autre vice-présidente, journaliste à France 3, n'a jamais été réellement inquiétée par une justice étrangement sélective dans cette affaire. «Je suis parti au Tchad le coeur ouvert et les yeux fermés», dira Alain Péligat devant le tribunal de Créteil.

Les médias lui reprochent justement sa cécité ; ses proches soulignent sa générosité. «Quand je l'ai rencontré, j'avais évidemment plein d'a priori, explique Me Jean-Claude Guidicelli. On est très différents, mais ce type m'a ébloui. C'est un mec carré, entier», affirme son avocat, qui refuse d'être payé par la famille. «Ils sont allés dans une région/ où la mort tourne comme les aiguilles d'une montre/ pendant ce temps-là, nos héros sont pris pour des monstres» : sur YouTube deux chansons circulent qui prennent la défense d'Alain Péligat. Leur auteur, Vay, alias Sébastien, est un rappeur de 25 ans originaire de Châlons-en-Champagne, la ville où Alain enseigne, dans un lycée technique, la conduite aux futurs routiers. Pour Vay, Alain est avant tout un «homme de coeur (.) très populaire parmi les jeunes du lycée».Si la justice doit avoir une vertu pédagogique, c'est en tout cas déjà raté. Pour ses proches, des procédures bâclées au Tchad et partiales en France ont transformé Péligat en victime absolue. Selon eux, les médias disent «n'importe quoi», les politiques sont cyniques, et les «vrais héros» peuvent bien fermer les yeux. Tant qu'ils gardent le «coeur ouvert». Photo Frédéric Stucin. MYOP. AlainPéligat en 7 dates 1951 : Naissance. 1998 : Décès de sa fille Claire, mariage avec Christine. 2003 : Adoption au Cambodge de Srey Nov et de Lilou. 2005 : Adoption de Kanya. Printemps 2007 : Découvre l’Arche de Zoé, s’engage dans l’opération pour les enfants du Darfour. 25 octobre 2007 : Arrestation au Tchad. 31mars 2008 : Sortie de prison.

CASTELLANE / PUBLIÉ LE MARDI 12/02/2013 À 15H00
Eric Breteau et sa compagne Emilie Lelouch ont été condamnés aujourd'hui à deux ans de prison ferme et immédiatement arrêtés à l'audience, pour avoir tenté d'exfiltrer depuis le Tchad et vers la France 103 enfants présentés comme des orphelins du Darfour. Absents lors du procès, le président de l'association L'Arche de Zoé et sa compagne étaient présents pour le délibéré. Les quatre autres prévenus ont quant à eux été condamnés à six mois et un an de prison avec sursis. L'association a été condamnée à 100 000 euros d'amende et dissoute.
De leurs côtés, Christophe Letien, membre de l'association resté en France et le Dr Philippe Van Winkelberg, médecin à Castellane, écopent d'un an de prison avec sursis. AFP

AVoir :
Arche de Zoé : Comment Je suis entre dans cette affaire a partir de Castellane.
Arche de Zoé : Eric-Breteau.
Arche de Zoé : Emilie Lelouch.
Arche de Zoé : Philippe Van Winkelberg Médecin.
Arche de Zoé : Alain Péligat.
Arche de Zoé : L'opération "CHILDREN RESCUE".
Arche de Zoé : Scandale au tribunal de Créteil.
Arche de Zoé : Et si le Tchad avait annulé la grâce à l'exemple du Maroc.

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