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jeudi 20 septembre 2012

La Réunion un gourou condamné pour pédophilie.

L'histoire est connue de tous les Réunionnais. Elle avait aussi intéressé la métropole. Pensez-donc, la spectaculaire évasion par hélicoptère d'un gourou condamné pour pédophilie, le tout depuis une prison flambant neuve : tous les mots-clés sont réunis pour une histoire croustillante.
Lundi dernier s'est ouvert le procès de Juliano Verbard, jeune Réunionnais âgé de 30 ans aujourd'hui. Charismatique, ce Créole avait, à l'âge de 20 ans, annoncé à ses proches qu'il entendait des voix. La Vierge Marie s'adressait à lui une fois par mois et le désignait sous le nom de « petit lys d'amour ». Dans une île où la religiosité est très puissante, Juliano Verbard a vite réussi à rassembler une cinquantaine de fidèles autour de lui. Il est aussi le créateur de l'association du Cœur douloureux et immaculé de Marie. Une secte, puisqu'il faut dire les choses comme elles sont.
Un même petit garçon enlevé à deux reprises

Mais très vite, la dévotion vire au sordide. Une ancienne sectatrice dépose plainte pour viol et attouchement sur ses deux enfants, en 2003. Placé en détention provisoire, il est libéré avant la tenue de son procès qui le voit condamner à quinze ans de réclusion criminelle, par contumace. Et c'est en cavale qu'il se désigne un successeur. Il s'agit d'un enfant, le petit Alexandre Télahire, qui vit à la Réunion depuis quelques années et n'a aucun lien avec la secte.
Verbard déploie alors son réseau et fait enlever le garçon, en 2007, à deux reprises ! L'affaire fait, dès lors, les gros titres, même en métropole. Une traque de quelques jours permet de mettre la main sur Juliano Verbard, son amant Fabrice Michel et des sectataires.
Fin de l'affaire ? Certainement pas. De nouveau jugé devant les assises de la Réunion pour les premiers viols, Verbard est condamné. Mais, considéré comme l'ennemi public numéro 1 dans cette île de l'Océan indien, il est placé à l'isolement. Séparé de son compagnon.
Evadé d'une prison inaugurée quelques mois plus tôt

C'est là qu'il aurait commencé à sombrer dans la dépression. Et c'est Fabrice Michel, son amant, qui prend les choses en main. Avec les membres du Cœur douloureux et immaculé de Marie qui se trouvent en liberté, il organise un pari fou : tenter une évasion. Sur une île. Depuis la nouvelle prison de Domenjod, inaugurée en grande pompe quelques mois plus tôt.
Un pari fou, donc, mais qui va s'avérer réussi. Le 27 avril 2009, un commando mené par des pieds nickelés sectaires parvient à prendre en otage le pilote d'un hélicoptère de tourisme. Sous la menace d'une arme factice, le commando force le pilote à prendre la direction de la prison. Celle-ci ne dispose pas de filins anti-hélicoptère comme c'est le cas partout en métropole. La faute aux cyclones et tempêtes tropicales qui rendent ces installations dangereuses.
Au matin, pendant la promenade, l'hélicoptère pénètre dans la cour de la prison. Y grimpent Verbard, Fabrice Michel et un troisième sectataire. Le tout sous les yeux ébahis des surveillants de prison. Ces derniers disposent d'armes à feu, mais préfèrent ne pas les utiliser, par crainte - légitime - de provoquer un massacre. L'hélicoptère reprend de l'altitude, parcourt quelques centaines de mètres et finit par se poser sur un parking d'une zone commerciale de Saint-Denis, le chef-lieu du département. Là, des voitures attendent les évadés et leurs complices. Elles disparaissent, laissant sur place le propriétaire de l'hélicoptère et les autorités dans l'expectative.
Le chef du "commando" oublie ses papiers dans l'hélicoptère

En quelques minutes, la nouvelle filtre. L'île n'en croit pas ses oreilles. L'ennemi public n°1 évadé. Mais, par chance - ou plutôt amateurisme -, le « commando » a oublié un détail. Son chef a simplement oublié ses papiers d'identité... dans l'hélicoptère. Une piste dont s'emparent les gendarmes, avec gourmandise.
Dès lors, la traque se met en place. Des dizaines de gendarmes sont mis sur le coup. Les portraits des évadés et des membres du commando sont rapidement diffusés. Des rondes se mettent en place. La population réunionnaise se prend au jeu. Radio Freedom, la station préféré des réunionnais, réputée pour son antenne libre sur simple demande, est assaillie de témoignages, souvent farfelus. Beaucoup ne sortent plus de chez eux. Des parents, apeurés, laissent leurs enfants à la maison plutôt que les envoyer à l'école. Les éléments d'une psychose sont en place. Celle-ci durera neuf jours.
Cachés à neuf dans un minuscule appartement

Des éléments obtenus par les gendarmes de la section de recherches de Saint-Denis permettent de « loger » le commando. Il se trouvent ainsi à neuf dans un minuscule appartement de Saint-Denis, dans une zone d'habitation collective. Ensemble, ils prient et attendent. Ils voulaient quitter l'île par bateau, mais comment ? Si peu de ports, d'embarcations et de moyens, et tant de gendarmes. Au bout de neuf jours, donc, c'est l'interpellation, menée sans heurts, sous les vivats d'une foule de plusieurs centaines de personnes, amassées au pied de l'immeuble.
Juliano Verbard et Fabrice Michel, les amants criminels, sont placés à l'isolement. Nous sommes le 6 mai 2009. En 2011, Verbard est condamné à neuf ans de réclusion par les assises de la Réunion pour l'enlèvement d'Alexandre Télahire.
Et lundi dernier a débuté le procès de son évasion.
Par Julien Balboni

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