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jeudi 22 décembre 2011

Cherif Delay Victime (Kevin)

Casquette sur la  et tongs aux pieds, Chérif Delay a le sourire. Enfin. Cet enfant brisé, martyrisé par sa mère Myriam Badaoui et son beau-père Thierry Delay, n'est pas débarrassé de ses tourments mais apprécie sa « nouvelle naissance ». A 21 ans, il a trouvé son équilibre entre l'Afrique et la 
Dans un livre à paraître demain*, l'aîné des douze enfants reconnus victimes de viols ou d'agressions sexuelles dans l'affaire d'Outreau — et indemnisés à ce titre à hauteur de 30000 € chacun — livre un témoignage aussi violent que polémique : à rebours du verdict, le jeune homme continue d'affirmer avoir été violé par neuf adultes. La  en a condamné quatre — Thierry Delay, Myriam Badaoui et leurs voisins, les Delplanque. Coauteur de l'ouvrage, le journaliste Serge Garde, approché par l'association militante Innocence en danger, souhaitait, en rencontrant Chérif Delay, «rendre visible l'autre vérité judiciaire, celle des enfants victimes». Ce livre a déjà fait bondir plusieurs des treize acquittés et leurs avocats. 
Chérif n'en a cure. Il confie même avoir bientôt rendez-vous avec le juge Burgaud, aujourd'hui en poste au bureau d'exécution des peines à Paris. «Je l'estime, il a eu du courage», dit-il du magistrat le plus détesté du pays.


Pourquoi avoir rédigé ce livre ? 
CHÉRIF DELAY. Je l'ai d'abord écrit pour moi. Je veux donner ma version de l'histoire, celle qu'on m'a empêché de dire, et reprendre ma dignité. Mais je l'ai fait aussi pour toutes les victimes qui n'ont pas le courage de parler afin de leur dire qu'il n'est jamais trop tard. Ce livre est celui d'une ex-victime. Comprenez-vous l'hostilité suscitée par votre démarche ? Honnêtement, c'est très difficile. Il ne s'agit pas de remettre en cause ce qui a été jugé mais simplement de donner ma vérité. Je respecte la justice en ne donnant aucun nom parce que je n'ai pas le choix. J'aimerais bien me retrouver face à ces personnes pour qu'on s'explique. Je ne suis pas un mythomane : j'ai des cicatrices, mais le fait d'avoir subi des abus ne fait pas de moi un fou.


Une autre enfant victime, qui est revenue sur ses accusations, prétend que vous mentez… 
Ça me choque qu'elle dise qu'il ne s'est jamais rien passé. 
Elle ne veut sans doute plus entendre parler de cette histoire, j'espère qu'un jour elle comprendra. La garde à vue des époux Lavier a remis l'affaire d'Outreau au cœur de l'actualité… Je ne suis pas surpris qu'on en reparle. Cette affaire est loin d'être finie. On l'a évacuée comme un boomerang, il ne faut pas s'étonner qu'elle revienne. Moi, avec ce livre, je veux tourner la page et dire : adieu Outreau. Comment vous sentez-vous aujourd'hui ? Je découvre enfin le bonheur. C'est un sentiment que je connais à peine, mais je veux bien être ami avec lui. Désormais, j'aime ma vie, je rigole, je respire, mais j'ai encore des remords. Lesquels? Je n'ai rien à me reprocher en tant que victime, mais j'ai honte de ne pas avoir joué mon rôle de grand frère. J'avais la responsabilité de protéger mes frères, je ne l'ai pas fait. En parlant plus tôt, j'aurais pu tout stopper au stade des maltraitances physiques. Je dois vivre avec ça, mais j'espère arriver un jour à me pardonner. Vous avez récemment retrouvé votre père naturel… Oui, grâce à Facebook. Il habite avec le reste de ma famille à Oran (Algérie). Dans mon répertoire de portable, j'ai marqué le mot papa. C'est la première fois que ça m'arrive. C'est un truc de fou. Quant à ma mère, je l'ai tuée dans ma tête.


Le Parisien
Cet article a été publié dans la rubrique A la une

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